FOCUS THÉMATIQUE : Les élus rallument les étoiles dans leur commune pour lutter contre la pollution lumineuse

L’éclairage public est un gage de sécurité pour les déplacements des êtres humains depuis plusieurs siècles. Il permet en outre, la mise en valeur du patrimoine bâti, ainsi que d’évènements festifs à l’instar des illuminations de Noël ou encore la fête des Lumières à Lyon. Pour autant, la lumière artificielle fait l’objet de nombreuses alertes depuis des années par des chercheurs et des scientifiques sur les effets indésirables qu’elle entraine tant sur la santé humaine (altération des rythmes biologiques, troubles du sommeil, risques d’obésité, maladies cardiovasculaires, etc.), que sur l’environnement (pour la faune : régression du domaine vital, fragmentation de l’habitat, perturbation des relations proies-prédateurs, modification des voies de placement, modification de la communication, etc. Pour la flore : modification des rythmes biologiques avec par exemple, l’absence de perte de feuillage pour des arbres constamment éclairés).

Pic du Midi de Bigorre de nuit et l’éclairage public – URL : https://picdumidi.com/fr/vivre-intensement/une-nuit-au-sommet

A ce jour, il n’existe pas de définition juridique de l’éclairage public. Il s’agit seulement de « l’ensemble des moyens d’éclairage mis en œuvre dans les espaces publics, à l’intérieur et à l’extérieur des villes, très généralement en bordures des voiries et places, nécessaires à la sécurité ou au confort des êtres humains. ». De même, contrairement aux idées reçues, il n’existe pas d’obligation internationale, européenne ou nationale d’éclairer l’espace public. Il s’agit en réalité d’un enjeu de sécurité et plus récemment d’un enjeu de transition énergétique (et financier). L’éclairage du domaine public est une compétence du maire au titre de son pouvoir de police générale (article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales).

A l’échelle européenne, des actes non contraignants, c’est-à-dire qui n’ont pas de force exécutoire, sont apparus telle que la norme européenne EN 13201 qui prescrit des exigences pour les zones de circulation dans les espaces publics extérieurs afin d’assurer la sécurité des usagers et la fluidité du trafic. Elle n’impose aucune obligation d’éclairer et n’a pas d’effets s’agissant des répercussions de la lumière artificielle sur l’environnement.

En France, le Code l’environnement prévoit en ses articles L. 583-1 à L. 583-5 des mesures quant à la lutte contre la pollution lumineuse. C’est ainsi que l’article L. 583-1 précise que : « Pour prévenir ou limiter les dangers ou trouble excessif aux personnes et à l’environnement causés par les émissions de lumière artificielle et limiter les consommations d’énergie, des prescriptions peuvent être imposées, pour réduire ces émissions, aux exploitants ou utilisateurs de certaines installations lumineuses, sans compromettre les objectifs de sécurité publique et de défense nationale ainsi que de sûreté des installations et ouvrages sensibles.

Les installations lumineuses concernées sont définies par décret en Conseil d’Etat selon leur puissance lumineuse totale, le type d’application de l’éclairage, la zone d’implantation et les équipements mis en place. »  Le contrôle du respect de ces dispositions relève de la compétence du maire sauf pour les bâtiments communaux, pour lesquels ce contrôle relève de la compétence de l’Etat (pouvoir de police administrative spéciale).

D’autre part, l’arrêté du 27 décembre 2018 relatif à la prévention, à la réduction et à la limitation des nuisances lumineuses reprend les obligations de l’arrêté du 25 janvier 2013 (qui encadrait les horaires de fonctionnement des éclairages des façades de bâtiments non résidentiels ainsi que celui des bureaux et vitrines qui y sont installés) et l’abroge. Ce nouveau texte fixe diverses obligations, notamment sur la temporalité en matière d’extinction de l’éclairage, mais également des normes techniques à respecter en agglomération et hors agglomération. Ainsi, les principales mesures à retenir sont :

        Les lumières des vitrines et des commerces ainsi que les éclairages des façades des bâtiments doivent être éteints à 1 h du matin et celles des bureaux (en intérieur) 1 h après la fin de l’activité ;

        Les lumières éclairant le patrimoine et les parcs et jardins accessibles au public doivent être éteintes au plus tard à 1 h du matin ou 1 h après la fermeture du site ;

        Les parkings desservant un lieu ou une zone d’activité doivent être éteints 2 h après la fin de l’activité, contre 1 h pour les éclairages de chantiers en extérieur.

Par ailleurs, l’arrêté du 27 décembre 2018 fixant la liste et le périmètre des sites d’observation astronomique exceptionnels, codifié à l’article R. 583-4 du Code de l’environnement, complète les textes précédemment cités en listant onze sites d’observation astronomique devant être protégés de la lumière nocturne dans un rayon de 10 kilomètres, à l’instar de l’emblématique site d’observation de la ferme des étoiles – observatoire du Pic du Midi de Bigorre.   

Photo prise au Pic du Midi de Bigorre – URL : https://picdumidi.com/fr/vivre-intensement/une-nuit-au-sommet

Les activités d’étude des astres sont particulièrement concernées par la pollution lumineuse. C’est ainsi que l’International Dark-Sky Association (IDA), dès les années 1950 a réalisé un important travail de sensibilisation et d’information sur le ciel étoilé. Ses défenseurs ont cherché activement à faire reconnaitre un statut de protection, mais se sont heurtés à un refus catégorique de l’UNESCO. En effet, pour celle-ci le ciel étoilé ne peut pas être rattaché à la Convention du patrimoine mondial de 1972 qui crée un statut de protection pour des sites où les êtres humains peuvent directement interagir avec la nature. Le ciel étoilé n’étant pas une « chose » et n’ayant pas de qualification juridique, l’UNESCO a refusé qu’il soit intégré en tant que tel au patrimoine mondial de l’humanité. Toutefois, l’UNESCO reconnait partiellement les réserves Starlight, qui sont une zone naturelle protégée où un engagement pour préserver la qualité du ciel nocturne et l’accès à la lumière des étoiles est établi. Leur fonction est de préserver la qualité du ciel nocturne et des différentes valeurs associées, qu’elles soient culturelles, scientifiques, astronomiques ou naturelles.

Pareillement en France, des initiatives existent pour protéger le ciel nocturne à l’instar du label « Villes et Villages Etoilés » organisé par l’Association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturnes (ANPCEN), qui valorise les démarches d’amélioration de la qualité de la nuit et de l’environnement nocturne. De même, l’Association Agir pour l’environnement mène depuis 2009 une campagne nationale de sensibilisation qui s’intitule « Le Jour de la nuit ». Elle porte sur la pollution lumineuse, la protection de la biodiversité nocturne et enfin sur la beauté du ciel étoilé. La dernière campagne s’est déroulée le 14 octobre 2023 et a rassemblé plus de six cent cinquante évènements.

Pour conclure, la réglementation nationale sur l’éclairage public n’est pas toujours respectée par les collectivités et le maire n’use pas assez souvent de son pouvoir de contrôle en la matière. Il a fallu attendre la crise énergétique récente, ainsi que les enjeux financiers qui en ont découlé pour que les collectivités se réveillent sur l’extinction de l’éclairage public. Il va de soi que la sécurité des habitants est primordiale, mais d’après les nombreux faits d’actualité, les violences et les accidents n’attendent pas qu’il fasse nuit noire. De plus, certaines collectivités ont vu leur taux de délinquance diminuer la nuit grâce à l’extinction de l’éclairage public. Ainsi, si se promener dans le noir est une activité plutôt désagréable, nous pouvons nous rappeler cette phrase de Winston Churchill : « ce n’est que quand il fait nuit que les étoiles brillent ».

Sources :

        Article Cairn sur les effets de la lumière artificielle sur l’Homme : https://www.cairn.info/revue-environnement-risques-et-sante-2019-6-page-477.htm

        Article Espaces Naturels sur les effets de la lumière artificielle sur la biodiversité : http://www.espaces-naturels.info/pollution-lumineuse-et-biodiversite-enjeu-pour-ensemble-territoire

        Définition de l’éclairage public par Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89clairage_public#cite_ref-1

        Fiche de la Gazette des Communes sur l’éclairage public : https://www.lagazettedescommunes.com/714329/eclairage-des-voies-et-des-espaces-publics-1-competences-respectives-du-maire-et-de-la-commune/

        Article de la Gazette des Communes sur la suppression et la réduction de l’éclairage public : https://www.lagazettedescommunes.com/710925/suppression-ou-reduction-de-leclairage-la-prudence-simpose/

        Code de l’environnement, articles L. 583-1 à L. 583-5 : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074220/LEGISCTA000022479256/#LEGISCTA000022496027

        Récapitulatif du Ministère de l’environnement sur la pollution lumineuse : https://www.ecologie.gouv.fr/pollution-lumineuse

        Article de l’ADEME sur l’éclairage public : https://expertises.ademe.fr/collectivites-secteur-public/patrimoine-communes-comment-passer-a-laction/eclairage-public-gisement-deconomies-denergie/mieux-connaitre-leclairage-public

        Site du Ministère de l’environnement sur les deux arrêtés du 27 décembre 2018 : https://www.ecologie.gouv.fr/arrete-du-27-decembre-2018-relatif-prevention-reduction-et-limitation-des-nuisances-lumineuses